Ça vous parle ? L'énergie sexuelle ?
C'est quoi ? La charge mentale liée à tout ce qui touche l'intimité. Et qui s'en souci à votre avis ? Gagné ! Dites, va falloir que ça change... Par Zaramodel
Se souder de son plaisir, de celui de l'autre, se préoccuper de la contraception, s'en charger, prévoir ses protections hygiéniques, se farcir la tête d'injonctions (cou-cher ou pas le premier soir, rééduquer son périnée, se ruiner en lingerie, penser à congeler ses ovocytes ou flipper pour sa pré ménopause…) . Aaaaaaah ! Vous la ressentez cette pression constante ? Clémentine et Caroline, deux journalistes féministes (dont l'une collabore avec Zaramodel) ont enquêté sur la « charge sexuelle », soit « la déclinaison des concepts de charge mentale et de charge émotionnelle dans la vie sexuelle », et affirment dans un livre à paraître en juin, qu'elle est encore et toujours l'affaire des femmes. À Zaramodel, nous avons demandé à une Escort-Girl, de raconter comment se manifestait sa propre charge sexuelle. Et c'est jouissif (de se sentir moins seule).
Plaisir d'offrir, joie de recevoir
La position du 69 m'a toujours semblé être un projet trop fastidieux pour que je puisse en tirer les bénéfices jouissifs qu'on lui connaît. Prendre du plaisir, tout en prenant soin d'en donner suffisamment à son partenaire... Un micmac charnel que je n'aie jamais su correctement géré. Eh bien, il faut imaginer ma vie sexuelle comme un grand 69 constant : réussir à prendre du plaisir, apprendre à l'autre comment me donner le plaisir que j'ai appris à prendre moi-même, lui en donner tout en recevant le plaisir qu'il est prêt à me donner... Bref, c'est le bazar ! Trop de verbes, trop de pression, trop de charges. Comme beaucoup d'êtres humains, je ne sais pas me concentrer correctement sur plusieurs objectifs à la fois. Je suis incapable d'écrire un SMS tout en regardant une série, je n'ai jamais supporté l'ouverture des cadeaux à Noël. Me concentrer sur l'écharpe emballée que me tend ma tente tout en offrant un presse-purée à ma mère, je n'ai jamais su faire. Alors prendre du plaisir tout en prenant soin d'en donner assez à mon partenaire, être à la hauteur du moment, des attentes que j'imagine qu'on place en moi... Charge et pression souvent inhérentes aux femmes lorsqu'on parle de sexe.
C'est carnaval.
Se déguiser afin d'égayer sa vie sexuelle, je dis oui. Mais cette manie de la reconversion professionnelle permanente commence à m'épuiser en quelques années seulement, j'ai dû passer un diplôme d'infirmière, un concours Air France pour devenir hôtesse de l'air, un CAP agricultrice pour devenir éleveuse de moutons (oui, j'ai fréquenté des hommes spéciaux) et un BEP secrétariat. Et j'ai été une Mère Noël coquine, pour citer le slogan du site de déguisement auquel j'ai loué mon costume. Et toutes ces années, mes partenaires n'ont eu en revanche qu'à être... EUX ! Es étaient eux tandis que j'apprenais à chaque fois un nouveau savoir-faire.
Zumba du périnée
Reprendre une vie sexuelle après une grossesse, m'ont dit mes amies mamans, c'est passer par l'étape «humiliante et contraignante» de la rééducation du périnée. Entre le jeu d'arcade « Pac-Man » et le CrossFit de l'entrejambe, le destin et la survie de ton couple sur l'oreiller ne reposeraient que sur ces séances. Si tu ne te « rééduques » pas, tu fais seule une croix sur la reprise saine d'une vie sexuelle au sein de ton couple. Tu travailles, pour deux, pour l'avenir, avec la même assiduité que pour un cours d'abdos-fessiers prépayé.
Alarme de 20 heures
Choisir sa contraception, s'y adapter, la payer, y penser... Sécuriser ton couple d'un événement inopiné afin de jouir en toute liberté d'une vie sexuelle insouciante. Une charge considérable pour mes petits neurones étourdis qui sont déjà incapables de se souvenir de l'emplacement de mes clefs dans l'appartement.
Le bec écarteur
Les rendez-vous gynécologiques sont, je crois, après 1. Rendez-vous Pôle, emploi et les enterrements, les événements pour lesquels j'aimerais être payée afin de 1. Honorer. Depuis mes 15 ans, des mains inconnues en gants me visitent : « Houlà, détendez-vous ! Pliez les jambes et détendez-vous. » Cette phrase est souvent suivie de l'intervention d'un « bec écarteur » pour utiliser un terme non-technique qui me hante. Un message à tous les hommes de ma famille à qui j'ai suggéré d'aller faire vérifier leur prostate et qui m'ont répondu : « Pas mon truc, c'est trop bizarre », vous pouvez le faire, croyez-moi !
C'est cadeau bébé...
La rumeur selon laquelle les préliminaires seraient « une faveur » rendue aux femmes. Est étonnante. Une offrande, la carotte, le bonbon d'après-sieste, le pompon du manège à attraper un soir de chance. Merci pour ce « cadeau » je suppose. Mais j'avais l'étrange impression que c'était cool pour toi aussi, non ?
Les règles, tout simplement
Non, je n'ai pas « mes framboises. » , « mes. ragnagnas »... Ne nous cachons pas le mont Blanc avec le petit doigt. Je n'ai pas jamais su utiliser un autre terme pour parler du séisme intérieur qui m'habite chaque mois. Je dois faire des calculs de sismologue extrêmement poussés afin que mes règles ne « gâchent » pas nos bons moments à deux. Et je me surprends à m'excuser "Désolée", je ne peux pas ce soir.»
La conquête du plaisir féminin
Une mission. Je suis là, Christophe Colomb du point G. Si ces trois dernières années ont été salvatrices à tant d'égards quant à la condition sociale et sexuelle des femmes, elles m'ont aussi mis une pression folle en termes de quête. « Le triple orgasme existe et vous l'obtiendrez ! Vous avez cru prendre du plaisir jusque-là, vous aviez tort ! »
« En Christophe Colomb du point G, j'ai acheté un sextoy. Il prend la poussière. »
À force d'entendre que les vingt premières années de ma vie sexuelle étaient un mensonge, je me sens misérablement perdue. J'ai acheté un sextoy à 150 € parce que' « on n'est jamais mieux servi que par soi-même ». Il prend la poussière et je me sens finalement aussi coupable que si j'avais acheté un vélo d'appartement sous la pression du téléachat. Vélo devenu aujourd'hui un portemanteau.
Congélation Picard
Toute ma courte vie, j'ai entendu ce triste constat dans la bouche de toutes et de tous « Les femmes vieillissent plus mal que les hommes. » Fait ou préjugé (c'est selon) qui a toujours généré chez moi beaucoup de stress et d'indignation à la fois. Notre outil premier pour faire naître le désir dans les yeux de l'autre, c'est le corps. Du moins, c'est ce qu'on nous a longtemps inculqué. Comment entretenir cet outil qui a une date de survie proche d'un muguet à la sortie du RER B un ter mai ? Comment éviter qu'il ne se relâche ? Paupières, seins, ventre, dessous de bras. Frotter, malaxer, huiler, palper, rouler, gommer... Gommer ce que l'on peut. Effacer, cacher, lisser. Figer dans le temps cet « outil » qui ferait de nous des êtres encore sexués. Se mettre sous glace, devenir un surgelé bonnasse Picard, avec la peur en toile de fond, la peur que nos corps fondent, craquent comme la glace, ne cèdent avant dégivrage. Je suis un dessus de crème brûlée en attente de craquer...