Les jardins Romantique de Paris

Qui, à Paris, n’a jamais rêvé de son petit coin de verdure ? Qui n'a jamais cherché ce « lieu pour la promenade romantique avec une jolie fille  », autrefois chanté par Charles Trenet. Dans l’ouvrage Jardins secrets de Paris, Alexandra d'Arnoux et Bruno de Laubadère décrivent ces «jardins extraordinaires » inventés par des grands noms du paysagisme tels que Gilles Clément, Camille Muller, Louis Benech ou Pascal Cribier, et inconnus du grand public. Au premier rayon de soleil, les Parisiens se disputent les carrés d'herbe aux Buttes-Chaumont, sur le Champ-de-Mars, à la Villette, au parc de Bercy. Ils s'arrachent les fameuses chaises vertes autour des bassins des Tuileries et du Luxembourg. Et emplissent les allées des bois de Boulogne et de Vincennes. Parmi les 490 parcs et jardins publics recensés dans la capitale, beaucoup méconnaissent ces oasis discrètes. En retrait, elles aèrent la cité la moins verte d'Europe et, à leur façon, récitent son histoire. 

LES JARDINS, TÉMOINS DU PASSÉ PARISIEN

L'histoire de Paris, le jardin des Rosiers la dévoile par séquences. Une rareté dans la Ville lumière. Comme l'indique une étude menée par l’Atelier parisien d'urbanisme en 2005, « alors que l’Italie a conservé ses jardins de la Renaissance, l’Andalousie certains jardins des califats et les châteaux de la Loire leurs parterres de broderie, Paris ne possède que des jardins modernes, à l’exception de trois, hérités des jardins royaux du XVIIe siècle, les Tuileries, le Luxembourg et le Jardin des plantes ». En plein cœur du Marais, le jardin des Rosiers préserve des traces du passé.

Jusque à l’été dernier, on y accédait seulement par les couloirs de la Maison de l'Europe, logée dans l’hôtel de Coulanges, daté du XVIIe siècle. Le rectangle de pelouse originel orne toujours l'arrière-cour, avec sa promenade adorante, son bosquet de bouleaux et sa vue sur une cheminée d'usine, vestige de l’ancienne Société des cendres. Depuis juillet 2014, l’enclos, élargi, englobe la cour de l'hôtel Barbes et celle de l'hôtel d'Albret, divisée entre un verger naissant et un potager éducatif. Des travaux l'ont raccordé à la rue des Rosiers, dégageant, derrière un figuier spectaculaire, une tour de l'enceinte érigée par Philippe Auguste au XIIIe siècle.

 

Pour plus de romantisme, il faut désormais rejoindre le square Saint-Gilles-Grand-Veneur. Non loin du musée Carnavalet, ce tout petit modèle de jardin à la française joue du contraste entre les treillages de roses millésimées - une variété est dédiée à Catherine Deneuve - et ses allées en angle droit, qui accueillent les courses de trottinette des enfants du quartier.

Si l’on recherche le calme, voire la méditation, autant rallier le musée Guimet. En bas du Trocadéro, il abrite, en plus des collections d'arts asiatiques, un véritable jardin zen, aussi ramasse qu'à Tokyo. Pavillon pour la cérémonie du the, pont de bois, dalles au Jardin naturel. Celui-là est peut-être le plus « extraordinaire » des jardins publics parisiens. En remontant la rue de Bagnolet, on doit encore gagner les contreforts du cimetière du Père-Lachaise pour l'apercevoir. Là, il accueille sur plusieurs niveaux des plantes depuis longtemps disparues dans la région.

Le saule marsault, l'osier blanc, la menthe aquatique, la salicaire entourent la marc à l'entrée. Plus haut, des chênes, érables, merisiers et même l’hellébore fétide composent un sous-bois où le promeneur peut apprécier le silence comme nulle part ailleurs en ville. A l'image du jardin sauvage Saint-Vincent, situé à Montmartre, rarement ouvert, le Jardin naturel parle, d après l'Atelier parisien d'urbanisme, « d'un temps, pas très ancien, où Paris était plus petit, moins dense, encore proche de ses terres agricoles et de la campagne ».

 

LA NOUVELLE CAMPAGNE À PARIS

De ce temps, il ne reste presque rien. A la fin du XIXe siècle, plus de 500 jardins ouvriers assuraient la culture des fruits et légumes dans Paris intra-muros. Aujourd'hui, il n'en reste qu'un, rue Watteau. Ces dernières années, des associations ont enfin pris le relais et arraché à la pression immobilière quatre hectares de terres. Parfois logées dans des zones improbables. Porte de Clignancourt, les jardins partagés du Ruisseau colonisent les abords de la petite ceinture. Leur homologue de la butte Bergeyre escalade, lui, une colline méconnue entre la place du Colonel-Fabien et le parc des Buttes-Chaumont. Là haut, entre les aromates et les ceps de pinot noir, les habitants caressent à nouveau le rêve de nourrir la métropole de béton. Sans attendre, ils donnent envie de fredonner la chanson de Trenet.