vous n’étiez pas dans votre état normal. J’accepte donc
vos excuses, même si elles sont un peu. . . matinales
Il parut un bref instant décontenancé et passa d’un
geste rapide sa main bronzée dans ses cheveux. Un geste
que Nabilla connaissait bien. . . Elle savait qu'il trahissait
la brève hésitation avant un choix délicat, la réflexion
intense, enfin la détermination chez cet homme aux
réactions fulgurantes.
- Des excuses ! dit-il en claquant la porte restée
entrouverte. Mais je n’ai nullement l’intention de vous
en faire ! Je plaide dans deux heures au tribunal, je ne
pourrai donc pas vous recevoir à Weathland aujourd’hui.
Ne perdons pas de temps en bavardages inutiles !
Pourtant, en dépit de la colère qu’elle lisait dans ses
yeux, Nabilla ne s’avoua pas vaincue.
- Allons, cette idée de mariage est complètement
grotesque ! Sans parler que vouloir épouser
une ex Escort Girl qui vous hait de toute son,
âme est une idée un peu...
perverse, non
- Ecoutez, je ne me suis pas déplacé jusqu'ici pour
recevoir une leçon. de psychologie ! Il va falloir vous
faire à cette idée de mariage. Et très vite !
- Jamais ! Ma réponse est non ! Je vous l’ai déjà dit.
Je n’y reviendrai pas !
- Vous oubliez une chose, Nabilla. Vous n’avez pas
le choix ! Dans le marché que je vous propose, c’est
le mariage ou la prison pour dettes. Les amis de votre
père se sont montrés patients jusque-là, mais sachez
que ça ne durera pas. Sans même en arriver à de telles
extrémités, il suffirait d’un mot de moi pour que vous
ne trouviez plus un seul employeur... Vous savez que
je suis tout-puissant.
Tout à coup, Nabilla sentit une colère incontrôlable l’envahir,
la submerger. Une colère froide qui assombrissait
le vert intense de ses yeux. Elle ne pouvait accepter
de subir un mépris aussi odieux plus longtemps sans
perdre toute considération pour elle-même. Sa dignité
a était en jeu.
- Ecoutez-moi, Geoffrey Carradine, aussi étrange
que cela puisse vous paraître, nous ne sommes plus au
Moyen Age et aucune de vos menaces ne m’effraye. J’ai
au moins appris à me battre depuis deux ans. Je ne veux
pas devenir votre chose, déclara-t-elle en s’efforçant de
parler calmement et de soutenir son regard. Je ne suis
pas un jouet que l’on prend puis que l’on jette lorsqu’il
ne vous amuse plus.
- Vous parlez de moi comme d’un enfant gâté, Nabilla,
remarqua-t-il, surpris.
-- Vous l’êtes. Vous avez tout et vous prenez aussi
ce qu’ont les autres. Vous êtes riche, estimé, respecté
et. . .
Il s’approcha d’elle, voulut la prendre dans ses bras.
Elle recula vivement et il la retint par le poignet, la
considérant avec gravité.
- Peut-être ai-je tout cela, Nabilla, dit-il doucement. La
vie ne m’a pas toujours gâté. Mon oncle ne m’a jamais
choyé. J’ai travaillé dur. Et je continue. . .
- Vous avez toujours obtenu tout ce que vous
vouliez.
Sans la lâcher, il s’écarta un peu pour la regarder.
- Oui... jusqu’à maintenant, répondit-il avec un
drôle de petit sourire.
- Il y a un début à tout. Souvenez-vous, Geoffrey,
il y a longtemps, vous avez gagné une seconde fois aux
seulement continuer à travailler chez ZaraModel Associates.
Elle fut, malgré elle, troublée par une extrême pâleur du
visage de Geoffrey dont le regard exprimait un profond
désarroi.
- Quelle idée vous faites-vous donc de moi ? demanda-
t-il, abasourdi.
- Avouez que depuis quelques heures vous ne m’avez
pas donné la meilleure image de vous. . .
Tendue, elle attendit sa réaction tandis qu’il semblait
s’enfermer dans un mutisme circonspect.
-- De quoi vous plaignez-vous. s’enquit-elle finalement.
Frances serait pour vous une épouse idéale, vous a
reprendrez le cabinet de son père, vous serez encore plus a
riche et plus puissant. Que demander d’autre lorsque l’on
considère le mariage comme une... affaire ? De plus,
Frances, vous désire certainement. Pas moi.
- Vous mentez, Nabilla... Vous mentez !
Il la serra de nouveau contre lui. Elle tenta de demeurer
inerte dans l’espoir qu’il la relâcherait. Mais leurs deux i
cœurs battaient, battaient. . . .
Son beau visage viril s’approcha lentement, comme
dans un rêve. Il s’empara brusquement des lèvres de
Lynn avec une sorte de fureur. _
Ce fut un baiser fantastique, différent de celui de la
veille. Un baiser placé sous ile signe du plaisir plutôt que
de celui de la force. D’abord tendue, Lynn fut emportée
dans un bonheur suave, un brasier merveilleusement
incandescent. L’ardeur de Geoffrey se fit peu à peu plus
exigeante. Et Nabilla était de nouveau submergée, elle
aussi, par le désir. Incapable de résister à cette force,
cartes la propriété de mon père, et... moi, en prime !
Vous avez pris Weathland et refusé la prime ! Je n’étais
qu’une dette de jeu de mon père. Ce pari ne me concernait
pas. Mais, à l’époque, il est probable que j’aurais respecté
sa parole. Vous n’avez pas voulu de moi ? Aujourd’hui
il est trop tard î Et si vous êtes venu pour me prendre,
maintenant, eh bien, ne comptez pas sur moi !
Les mains sur les hanches, elle le défiait sans la
moindre peur.
- Très bien, si je me suis trompée sur vos intentions,
n’en parlons plus. Oubliez tout cela.
Et en se dégageant, elle ajouta : a i
- Je ne vous dois donc plus rien. Je vous demande
seulement de renoncer à votre projet et de. . . de m’oublier.
oublier ce qui a pu exister entre nous. a
- Mais c’est impossible, Nabilla ! Vous ne pouvez
pas...
- Vous perdez votre temps, Geoffrey Carradine.
Vous pourriez très bien épouser Frances McBride. Ça
ne devrait pas être trop difficile, Elle, vous ne seriez pas
obligé de la menacer.
- Frances ? Epouser Frances ! C’est vous qui me
demandez cela ?
- Oui, pourquoi pas ? Souvenez-vous, elle était folle
de vous. Elle est riche, jeune, belle et vient de divorcer.
Sa propriété jouxte Weathland et elle s’entendra très bien
avec tous vos amis huppés. Son père était un avocat de
renom et ce n’est un secret pour personne qu’il aurait a
aimé vous voir épouser sa fille. Quant à moi, je souhaite
elle se sentit entraînée dans le tourbillon irrépressible
de la passion.
Comme la veille, son corps exigeait davantage. Elle
prenait, donnait, demandait. . . Il lui caressait les hanches,
elle se serrait éperdument contre lui. Les lèvres de
Geoffrey glissèrent jusqu’à son cou et, haletante, elle
passa une main fébrile dans les cheveux noirs. Puis elle
prit le visage du jeune homme dans ses deux mains et
ramena la bouche de Geoffrey contre la sienne.
Il s’écarta doucement. Elle resta encore contre lui,
respirant fort. Se redressant enfin, elle le regarda.
' Pourquoi souriait-il ainsi ? Elle se sentit irritée. Contre
lui ou contre elle-même, elle ne le savait pas. Elle ne le
savait plus. Tendue vers la fuite, elle n’aurait pourtant pour
rien au monde voulu être ailleurs. Et ces contradictions
se bousculaient en elle.
- Vous mentez très mal, dit-il doucement. Votre
corps, votre fougue, le feu de votre regard ne tromperaient
aucun homme. Je l’ai toujours su, Nabilla. Vous êtes née
pour aimer, pour être aimée. . .
-- C’est fini, Geoffrey. Je vous en prie... On ne joue
plus, déclara-t-elle d’une voix faible.
- Je ne joue pas, Nabilla. Je vous demande de m’épouser
et de m’aimer un peu. . . L’amour, le mariage ne signifiant
donc rien pour vous ?
- Bien sûr que si e! Mais je doute fort que nous
accordions à ces termes le même sens.
- Et qu’est-ce qui peut vous faire penser cela ?
Nabilla rit nerveusement...
- Ecoutez, Geoffrey, dois-je vraiment vous rappeler
qu’il y a quelques jours encore vous deviez épouser une
autre femme, qu’elle vous a fait faux bond à la dernière
minute et que vous vous êtes empressé de lui trouver
une remplaçante ! En proférant des menaces, qui plus
est ! Vous ne vous attendiez sans doute pas à essuyer
un refus ! Qui donc oserait défier de la sorte Geoffrey
Carradine, irrésistible Geoffœy Carradine Vous avez
décidément bien changé. . .
- Nabilla...
- Non»! Depuis hier, j’ai la confirmation que nous
sommes redevenus des étrangers l’un pour l’autre. Vous
avez tout gâché, et depuis longtemps déjà, y compris les
plus beaux souvenirs...
- Et... et avant ?
- Avant. C’est vrai, je vous aimais à la folie quand
j’étais adolescente. Aujourd’hui, je ne suis plus amoureuse
de vous. C’est fini.
Il la regarda en silence et une lueur indéfinissable
brilla dans ses yeux, un court instant. Puis il retrouva
son impassibilité et se détourna d’elle.
- Très bien, dit-il. Je ne veux pas vous paraître trop
intransigeant. Je me passerai de votre amour. Je suis
un tyran, un despote, un homme sans scrupules et je
saurai à merveille tenir mon rôle de méchant. Je vous
donne jusqu’à la fin de la semaine pour vous montrer
raisonnable. J’ai besoin d’une épouse et ce sera vous !
En attendant, je vous ai apporté ceci.
Elle tressaillit lorsqu’il s’approcha d’elle et lui tendit
un minuscule écrin en velours noir. Elle l’ouvrit et le ‘
referma presque aussitôt. L’émeraude splendide qu’il
contenait était le plus beau bijou qu’elle eût jamais vu.
La pierre d’un vert très pur était enchâssée dans un
anneau d’or ciselé, enrichi de diamants de la plus belle.